Reconnaissance faciale, correcteurs de texte, chatbots, ça fait un moment que l’intelligence artificielle est à la mode. Mais saviez-vous que les premiers travaux sur l’enseignement assisté par ordinateur datent d’il y a 40 ans ? Et si ces 40 ans de recherche pouvaient déboucher sur une application universelle de la technologie pour apprendre l’anglais ? A-t-on toujours besoin d’un humain pour apprendre l’anglais ? La réponse se trouve dans cet article !
Ce qu’on peut attendre d’un bon prof d’anglais
S’adapter pour mieux enseigner
Les experts s’accordent à dire que l’une des capacités les plus importantes en pédagogie est la capacité d’un enseignant à adapter son approche à l’élève qu’il a en face de lui.
La problématique principale à laquelle un professeur doit faire face est en effet la diversité de profils d’élèves. Comme chacun apprend à sa manière, l’enseignement doit lui aussi être diversifié.
Dans un article de 1985, l’écrivain André de Peretti illustre ce concept de la meilleure manière qui soit. Il applique à une classe d’élèves un principe de cybernétique : la loi de la variété requise. Accrochez-vous, c’est super intéressant : cette loi dit que “si un système veut s’assurer du bon fonctionnement de l’environnement qu’il dirige, il doit lui même disposer d’un répertoire de réponses au moins aussi varié que le nombre de problèmes que l’environnement peut poser”.
Dans cet exemple, Peretti voit l’environnement comme un groupe d’élèves. Le système qui régule et qui ajuste le fonctionnement du groupe d’élèves, c’est le prof. Si le prof veut espérer faire fonctionner sa classe (leur apprendre l’anglais), alors il doit avoir au moins autant de solutions à sa disposition que le nombre de problèmes que les élèves peuvent avoir en apprenant.
La sociologue Glikman s’est intéressée aux différents types d’élèves et d’enseignants, et comment le bon professeur peut répondre aux besoins spécifiques d’un élève.
Après avoir identifié 7 profils d’élèves, elle explique comment chacune des 4 différentes approches éducatives peut correspondre aux besoins d’un ou plusieurs profils d’élèves.
Dans la conclusion de ses recherches, elle note que l’une des 4 méthodes, l’approche “holistique et personnalisée” peut répondre à tous les besoins pouvant être présents chez les élèves. Cependant, elle comprend à juste titre qu’inclure tous les types d’aide possibles dans une méthode peut être contre-productif. Certains types élèves ne ressentent pas certains besoins en terme de pédagogie. La solution, c’est donc de s’adapter.
Le feedback correctif
L’arme efficace de tout professeur, c’est aussi sa capacité à faire un retour à son élève pour qu’il s’améliore. En 1997, les chercheurs Lyster et Randa étudient les différentes formes que peut prendre le “feedback correctif”, qu’ils définissent comme tout ce qu’un enseignant peut communiquer à son élève pour le corriger améliorer son apprentissage. Chacune des 6 formes qu’ils identifient a un impact spécifique sur l’élève. Elles constituent un arsenal d’outils dont les professeurs d’anglais se servent pour enseigner de manière efficace.
Selon le psychologue Stanislas Dehaene, le feedback correctif est d’ailleurs un outil indispensable puisqu’il fait partie d’un des 4 piliers de l’apprentissage : le retour d’information. C’est pour cette raison qu’apprendre l’anglais avec un professeur est la méthode qui fonctionne le mieux.
Bon, alors ce sont les IA qui ont du souci à se faire ? Pas exactement…
Où en est l’IA ?
Peut-on apprendre l’anglais comme on apprend les maths ?
En 1992, le professeur de linguistique Paul Boucher (un visionnaire), s’intéresse à une catégorie d’intelligences artificielles appelées “tuteurs intelligents”. Il n’a pas inventé ce concept puisqu’il existe déjà depuis plusieurs années. D’autres chercheurs ont en effet avant lui développé des programmes informatiques ayant pour objectif d’enseigner des matières comme la programmation ou les mathématiques à un élève. Ca paraît beau, mais plusieurs problèmes émergent de ces systèmes.
Tout d’abord, le fonctionnement de ces IA est très “linéaire”, car elles se contentent de décomposer les connaissances à apprendre en étapes, puis créer un exercice basique où elles orientent l’élève de manière basique pour qu’il progresse vers l’étape suivante. Le résultat, c’est un programme d’enseignement beaucoup trop rigide, sans personnalisation ni apport pédagogique.
Ensuite, il remarque que même si l’utilisation d’IA pour apprendre les maths ou la programmation a l’air de bien fonctionner, c’est une autre paire de manches lorsqu’il s’agit de l’appliquer aux langues qui sont des compétences plus complexes. Là où les programmes réussissent bien à identifier les lacunes quantitatives des élèves (nombre d’équations ou de niveaux de programmation à apprendre), il y a toujours un manque de compréhension des lacunes qualitatives. Par exemple, vous pourriez connaître les mots anglais qui correspondent à votre niveau, mais si vous les appliquez de manière incorrecte dans une phrase à trous, le programme considère simplement que vous ne connaissez pas la bonne réponse.
Après avoir développé et testé son propre tuteur intelligent pour l’apprentissage de l’anglais en prenant en compte ces problèmes, Boucher réalise qu’il y a encore du chemin à faire en terme de pédagogie. Malgré tout, il prédit que le jour où l’IA pourra prendre en compte d’autres dimensions pédagogiques comme la personnalisation de l’approche, alors elle sera aussi efficace qu’un prof.
L’algorithme qui vous comprend
S’il y a bien une chose qu’un ordinateur sait faire, c’est calculer. Calculer des informations, des performances, mais surtout calculer des probabilités. Cette dernière fonction nous intéresse particulièrement, parce qu’elle est utilisée pour s’adresser aux humains. L’une des problématiques soulevées par Boucher dans ses recherches était le manque de personnalisation des IA. En fait, ça fait déjà quelques années que les développeurs sont sur le coup.
Lorsque vous vous rendez sur YouTube, la première page que vous avez sous les yeux est généralement constituée d’un choix de vidéos qui tournent généralement autour des mêmes thèmes. Ca n’est pas dû au hasard : elles correspondent à ce que vous avez l’habitude de regarder. Comment le site fait pour sélectionner ces vidéos ? En calculant, tout simplement. Le calcul est effectué à partir de ce que vous avez regardé en dernier. YouTube cherche à déterminer la probabilité pour qu’un contenu vous intéresse plus qu’un autre. Ces calculs sont le fruit d’un algorithme.
Maintenant que la technologie est capable d’identifier quelles sont vos préférences, il s’agit de l’appliquer au domaine de l’éducation. C’est ce qu’a fait le Laboratoire d’Informatique en Image et Systèmes d’information (LIRIS), avec le projet Apprentissage Adaptatif des Langues par le Numérique (2ALN). Les chercheurs ont créé une plateforme en ligne (FRELLO). La plateforme s’appuie sur un algorithme pour proposer des parcours individualisés d’apprentissage des langues. L’algorithme développé, comme celui de YouTube, recommande différentes approches selon les profils d’élèves. Même si elle est destiné aux professeurs, et sert plutôt à améliorer leur approche, la plateforme est un premier pas essentiel vers la compétence principale d’un professeur d’anglais : la pédagogie différenciée.
Feedback/Suivi
Pour atteindre les mêmes compétences qu’un professeur en terme de pédagogie, les IA doivent aussi travailler sur leur retour d’information.
C’est ce qui a été fait avec IDIOMA-TIC, un programme destiné à développer des exercices et tests pour améliorer le niveau des personnes étudiant les langues étrangères. Les chercheurs ont travaillé sur la manière dont l’IA peut apporter un retour d’information intelligent. Ils ont donc donné la possibilité au programme de faire un retour spécifique, et non générique. Ainsi, l’IA part de la réponse effectivement proposée par l’apprenant dans son exercice pour formuler un retour sur mesure. D’autres exemples de retours intelligents, sont ceux qui apparaissent uniquement lorsqu’une erreur particulière a été commise, ce qui est particulièrement efficace pour les élèves d’un niveau avancé.
Une autre avancée importante pour les IA sont les systèmes de suivi. En effet, de la même manière que YouTube conserve votre historique de navigation pour vous proposer des vidéos intéressantes, certains programmes d’apprentissage des langues gardent des traces du parcours d’apprentissage suivi. Ici aussi, différentes variantes sont possibles. De nombreux logiciels gardent par exemple en mémoire quand les apprenants ont fait quels exercices, de combien de temps ils ont eu besoin pour cela et quels étaient leurs scores. D’autres logiciels enregistrent non seulement les erreurs des apprenants, mais leur donnent aussi la possibilité de marquer certains items comme un « casse-tête ». Ceux-ci permettent à l’apprenant de se consacrer, dans une phase ultérieure de l’apprentissage (par exemple avant un examen), aux exercices dans lesquels il avait commis une erreur ou qu’il trouvait difficiles.
CONCLUSION : Ce que les profs sont capables de faire, c’est de mettre l’élève au centre du processus d’apprentissage de l’anglais. Les IA sont de plus en plus performantes et permettent beaucoup de raccourcis, mais elles sont pour la plupart construites sur des modèles qui leur donnent un contrôle trop important, là où les profs savent se positionner comme partenaires et non comme [un. robot. à. l’intelligence. supérieure.] 🤖.